Ce texte est extrait du site www.theatrons.com
Le guide de l'impro
Petit guide pour mener des exercices d'impro au sein d'un groupe
Les exercices d'improvisation occupent une place à part dans les stages de formation au théâtre. Ils offrent un champ d'expérimentation extrêmement ludique tout en permettant la mise en pratique de la plupart des techniques enseignées pour le théâtre "classique".
Il sont l'occasion :
- De créer un petit atelier d'écriture : l'enseignant peut proposer aux participants d'élaborer un scénario lors d'un cours ou à la maison. Cet exercice permet à chacun de s'intéresser et d'expérimenter les règles de bases de l'écriture théâtrale. Cette pratique facilitera plus tard la compréhension et l'acceptation des scénarios qui seront joués par l'acteur. Lire à ce sujet ma page sur la création d'histoires
- D'adapter son jeu aux réactions du public : l'improvisation est sans doute la plus interactive des différentes formes de théâtre. En tant que meneur de jeu, vous devrez encourager la prise en compte de l'impact du jeu et de l'histoire sur le public, tout en veillant à éviter toutes les formes de "cabotinage" (l'acteur qui se montre en tant qu'acteur au lieu de servir son personnage).
- De renforcer la cohésion de la troupe : le théâtre est avant tout une œuvre collective. Les improvisations le démontrent avec une grande force. Les acteurs constateront que la réussite dépend étroitement de la capacité de chacun à accepter les propositions des autres, de rebondir sur le jeu des autres et de laisser aux autres des pistes, des ouvertures, qui leur laisseront la possibilité d'enrichir à leur tour le spectacle.
Comment créer une bonne histoire en improvisation
L’histoire est l’un des éléments les plus importants d’une improvisation réussie. Les joueurs d’impro ont parfois tendance à oublier de construire une histoire solide, ce qui débouche sur des scènes ennuyeuses.
Ce site comporte une page de conseils concernant la création d'histoires. En voici un résumé :
Depuis l'origine des contes, du théâtre et de toutes les formes de récits, on peut constater que le "squelette" d'une histoire captivante comprend trois éléments de base :
- Le début (installation du lieu et du contexte),
- Le conflit, (problème, dilemme ou tout autre situation amenant une tension)
- La résolution de la tension (souvent appelée "catharsis" ou "dénouement").
Pour demeurer efficace, une bonne impro doit présenter aux spectateurs des faits dans un ordre logique, chaque évènement entraînant l'autre d'une façon "naturelle" et chronologique. Comme toute règle, cette affirmation peut être contredite si les acteurs font preuve de créativité et d'une bonne maîtrise. Un évènement improbable et inattendu, voire même illogique (flash back, par exemple) peut parfois créer une surprise bienvenue dans un scénario trop linéaire. Mais les improvisateurs doivent garder à l'esprit que ce type de montage peut gêner la compréhension et amener les spectateur à se désintéresser de l'histoire. Le "fil" principal de l'histoire ne doit jamais être rompu.
Le "tempo" est également très important. Le conflit ne doit pas être réglé trop tôt ni trop tard. La tension doit monter progressivement et le plus haut possible avant de trouver son issue.
Remarque
: le "début"
d’une improvisation ne correspond pas nécessairement au début
du spectacle ; l’impro peut facilement commencer au beau milieu d’un
événement excitant, mis en place pour "chauffer" le public et les
acteurs. Les improvisateurs
expérimentés s’amuseront aussi à chambarder l’ordre des événements et
la
présentation des faits pour rendre le tout encore plus vivant et
intéressant et pour éviter la redite lorsque le même thème est exploité
plusieurs fois.
Préparation à l'écriture
Voici quelques activités qui aideront à développer l’aptitude à créer des histoires bien structurées et captivantes :
L’histoire en une phrase
Pour ce jeu, les joueurs doivent se placer en cercle (un nombre de 10 joueurs est idéal). Un joueur commence une histoire avec une phrase (ex : Par un beau matin de printemps, je mets mes bottes de caoutchouc et je pars pour la grande ville.). Le joueur suivant doit enchaîner avec une autre phrase en continuant l’histoire. Le but du jeu est de créer une histoire complète (avec un début, un milieu et une fin) en un seul tour de cercle.
Lorsque l’histoire arrive au dernier joueur, celui-ci doit être en mesure de conclure le récit sans qu’il y ait de trous ou de lacunes dans l’histoire. Attention par conséquent aux histoires "parallèles" que les participants les plus créatifs auront tendance à introduire dans le thème principal. Si elles sont trop nombreuses ou complexes, le fil de l'histoire peut s'en trouver perturbé ou brisé, les "sous-histoires" ne pouvant pas être résolues.
Si le nombre de joueur est inférieur à dix, ou dans le seul but d'introduire une variante, le maître de jeu peut décider que l’histoire devra être terminée en deux ou trois tours de cercle. Plus le nombre de tours est important, plus l'histoire sera complexe.
DCR (début-conflit-résolution)
Ce jeu nécessite trois joueurs. Le premier joueur commence une improvisation en installant le lieu et le contexte (le début). Pendant une trentaine de secondes (la durée peut varier selon le niveau d’expérience des joueurs), le joueur devra faire comprendre aux autres où et quand se déroule l’improvisation (hôpital, château, boulangerie, cinéma, aujourd’hui, au Moyen âge, lors de la Grande dépression, etc.)
C’est ensuite au tour du deuxième joueur de faire son entrée et d'installer un conflit entre lui-même et le joueur déjà en piste. Il se basera sur n'importe qu'elle situation pouvant créer une tension (jalousie, paresse, incompréhension, compétition, désastre naturel, etc.)
Les deux joueurs doivent improviser ensemble pour rendre explicite le conflit. Le troisième joueur fera ensuite son entrée et offrira une résolution au conflit établi.
Remarque : la résolution du conflit n’est pas nécessairement toujours amicale et facile. En fait, plusieurs histoires peuvent finir en queue de poisson. Il est intéressant de voir les nombreuses façons différentes et inédites de résoudre une histoire.
Construction des personnages
Voici quelques exemples d’activités qui aideront les improvisateurs à construire des personnages efficaces.
La création de personnages est une capacité que doit maîtriser tout bon joueur d’improvisation. Un acteur jouant dans une pièce "normale" peut s'appuyer sur le metteur en scène ou les indications de l'auteur pour construire son personnage. L'acteur improvisant devra se débrouiller par lui-même. Le talent de chacun dans ce travail déterminera pour une bonne part la réussite de l'improvisation.
Il est plus facile pour l’improvisateur de construire ou de faire évoluer l'histoire, lorsqu'il est à l'aise avec son personnage. Il arrive d'ailleurs souvent que ce soit le personnage qui guide l’improvisation sans même que l’on s’en rende compte.
On encourage aussi le joueur à se développer une banque de personnages, pour pouvoir y puiser à n’importe quel moment du spectacle. Ces personnages doivent être complexes et intéressants. Le public appréciera d’autant plus le spectacle si les personnages qui en font partie sont crédibles, ou du moins, assez captivants pour garder l’attention de la foule.
Lors d’une improvisation, un joueur ne doit jamais décrocher de son personnage. Il ne faut pas qu’un personnage trop bizarre ou complexe ne vienne nuire à l’évolution de l’improvisation.
Pour bâtir des personnages riches et complexes, l’improvisateur doit considérer cinq éléments :
- Le physique (façon de se déplacer, la posture)
- La voix (timbre de voix et façon de s’exprimer)
- Les tics et manies (exemple : remonter les lunettes sur son nez)
- Le passé (ce qu’a déjà vécu le personnage)
- Le caractère et la personnalité
Canevas de personnage
Les joueurs se placent, à tour de rôle, au centre de l'aire de jeu, en position neutre. Le maître de jeu demande alors à un joueur de se trouver un personnage (ex : vieillard, infirmière, chevalier, espion, etc.) et lui demande de se promener dans l’espace avec les traits physiques du personnage. Si, par exemple, le joueur incarne un vieillard, il marchera à petits pas avec le dos courbé.
Le maître de jeu propose ensuite au joueur de trouver une voix pour son personnage. Pour terminer l’exercice, le joueur devra incorporer un tic (un mouvement répétitif) à son personnage (main dans les cheveux, coups d'œil répétitifs à sa montre, balancement des bras, etc.)
Le joueur doit alors présenter son personnage au groupe pendant une trentaine de secondes (ou plus longtemps pour des joueurs d’expérience) en faisant un petit monologue dans lequel il parle de sa vie et laisse transparaître sa personnalité et son caractère. Le maître de jeu peut aussi poser des questions au personnage afin de faire ressortir une histoire et une motivation quelconque. À la fin, le joueur d’impro a créé un personnage complet qui comprend les cinq éléments mentionnés plus tôt.
Remarque : si un joueur est intimidé pas la présence des autres, le simple fait de fermer les yeux lui permettra d’oublier le regard des autres participants.
Le banc de parc
Pour installer ce jeu il ne suffit que de deux chaises (ou un banc, si possible), installées devant les participants. Le maître de jeu demande à un joueur de prendre place sur le banc en incarnant un personnage.
Une fois le personnage bien installé, le maître de jeu invite un autre joueur à prendre place (avec son personnage) à côté du premier. Une courte interaction entre les deux personnages s’ensuit, où il sera très important que les personnages présentés soient clairs et "présents" tout le long de l’impro, et que les observateurs soient en mesure de comprendre clairement qui fait quoi.
Le premier joueur doit ensuite se trouver une raison de quitter le deuxième. Il est important que la raison du départ demeure liée aux personnages et à la situation présentée. C’est maintenant au tour d’un autre joueur de prendre place sur le banc et le processus recommence.
Déroulement des improvisations
La règle d'or à respecter est : "Ne jamais dire non". Dès qu'un participant refuse la proposition d'un autre, l'histoire risque de se bloquer ou d'hésiter et le tempo de l'improvisation sera brisé.
Dans le cas ou un participant est vraiment gêné par une proposition, il doit néanmoins se respecter et peut tenter de la détourner ou de la remplacer par une contre-proposition immédiate. Il doit toutefois avoir conscience que, même dans ce cas, le participant qui avait émis la première proposition risque d'être désarçonné ou frustré.
Exemple :
- Nous allons devoir coucher ensemble pour convaincre ton père que nous nous aimons encore. Tu devras crier le plus fort possible pour que toute la maison t'entende.
- Coucher ensemble ? (plutôt que d'opposer un refus, l'actrice répète la proposition pour se donner le temps de réfléchir) Est-ce qu'on ne pourrait pas simplement faire semblant ? Tu sais, je simule ça très bien (il s'agit de la contre-proposition).
- Pourras-tu simuler les poches sous les yeux ? Pourras-tu simuler les cheveux défaits, la peau rougie par les tendres caresses, les lèvres gorgées d'amour et le bonheur calme qui s'installe dans le regard d'une femme comblée ?
- Arrête, tu me fais envie ! Si on joue à la belote toute la nuit en criant comme des bêtes, je suppose que ça suffira... A condition que tu me laisses gagner, comme ça j'aurais l'air heureuse.
Si les participants sont clairement informés et prennent cette règle comme base de création, les choses avancent généralement avec une grande facilité.
Quelques conseils d'un participant
Sur le site "Le cours de français", Jean-Pierre Leclercq, propose 8 conseils issus de son expérience avec Guy Ramet :
1)
L’improvisation, c’est la montée progressive d’une tension
L’improvisation offre un sommet et une chute. Plus le sommet sera
élevé, plus la chute sera belle et plus l’improvisation sera réussie.
Si le sommet arrive trop tôt, l’improvisation sera également ratée.
Pour atteindre le sommet la collaboration de tous les partenaires est
indispensable. De même que la chute doit être trouvée par tous les
partenaires !
2) Ne pas se croire
«arrivé»
Travailler, dès le départ, en étant plein de vide (en se disant que
nous ne sommes pas géniaux au départ !) : l’humilité est très
importante. Laisser les choses monter en soi.
3) Ne pas s’enfermer à
vouloir faire ou dire des choses
Bien laisser venir les choses : une tension intérieure me poussera
peut-être à faire un mouvement particulier qui me poussera à dire
quelque chose de particulier. Ne jamais préparer à l’avance ce que l’on
va dire ou faire. Pas de phrases inutiles (dans le but de remplir un
silence !).
Exploiter la petite ruelle prise et en faire un boulevard (ne pas
exploiter plusieurs pistes différentes).
4) S’appuyer sur ses
partenaires
En effet si j’estime que la provocation de mon partenaire est bonne, je
dois m’appuyer sur lui et accepter sa proposition. Même si cette
proposition me semble difficile à réaliser. Si sa proposition me semble
mauvaise, je ne dois pas l’accepter pour lui faire plaisir ou par
facilité ! En outre si l’autre réagit toujours de la même manière et
que cela m’énerve, je dois apporter mon énervement sur le plateau.
5) Ne pas vouloir «faire»
un mouvement
Ne pas créer des mouvements artificiellement. Ne pas se déplacer
d’abord par les yeux (ne pas dire : «Tiens ! Où irais-je bien ?»).
Le mouvement doit provenir d’une nécessité intérieure. De plus, c’est
le mouvement qui doit susciter la parole, et non l’inverse.
6) Ne pas oublier l’espace
Il faut que les espaces soient clairs : il y a énormément de choses à
faire dans son espace (si je rentre dans un autre espace, des choses
énormes doivent se passer). Ne pas me déplacer dans l’espace pour le
plaisir de me déplacer : ce déplacement doit provenir d’une nécessité
intérieure.
Ne pas jouer dos au public.
7) Ne pas avoir peur du
ridicule
Si l’on n’a pas peur du ridicule, les différents partenaires pourront
plus facilement s’appuyer l’un sur l’autre et l’improvisation risque
d’atteindre un sommet élevé.
8) Respect, confiance,
tendresse
Respect du partenaire à travers l’improvisation (ne jamais me moquer de
mon partenaire). Respect du public à l’égard des acteurs : le
spectateur peut, bien entendu, rire mais il ne doit jamais se moquer de
l’acteur.
Confiance des acteurs les uns envers les autres. Confiance à l’égard de
l’animateur.
Tendresse : si un partenaire semble «patauger», pourquoi ne pas lui
donner un petit coup de pouce plutôt que de le laisser tomber ou de
jouer «mon petit numéro» tout seul !
Le contenu de cette page est partiellement inspiré d'un document pdf publié par improteine ainsi que d'une page de conseils sur le site "Le cours de français"
A lire aussi sur d'autres sites :
Une belle page de conseils proposée par Le Grimoire du Théâtre et de l'improvisation